Désertification médicale, précarité hygiénique, moteurs de son engagement, l’adjointe à la Santé répond à nos questions.
Le souvenir est encore vif. En 2021, deux médecins quittaient brusquement ‘Val Santé’, l’unique centre médical de Valdegour, laissant une patientèle orpheline de soignants. « Je l’ai su le vendredi, le samedi matin nous étions sur le terrain avec mon équipe pour trouver des solutions », tient à rappeler l’élue qui avait interpellé l’ARS (Agence régionale de santé) et l’Assurance maladie. Plus récemment, le médecin généraliste du quartier des Marronniers a pris sa retraite à 73 ans (Source : Midi Libre Nîmes). Aucun repreneur en vue, « de nos jours les médecins préfèrent l’exercice regroupé », souligne l’adjointe et conseillère communautaire.
Cette dernière rebondit aux propos du chef de file de l’opposition de gauche à Nîmes. Dans nos colonnes, Vincent Bouget pointait le manque de foncier disponible auquel se heurtaient les médecins prêts à venir s’installer. L’adjointe à la Santé convoque alors quelques chiffres : « On comptait 4 MSP (Maison de santé pluriprofessionnelle, ndlr) il y a trois ans à Nîmes. Il y en a 12 labellisées aujourd’hui. 90 médecins généralistes exercent à Nîmes ».
Se regrouper en maison médicale, un levier d’attractivité pour les médecins qui souhaitent mutualiser leurs coûts et lisser les risques de la profession. « Avec Frédéric Jacquet, directeur de mes services, nous avons travaillé de concert dans le cadre du ‘Contrat local de santé de territoire’ entre l’ARS et la Ville, indique l’élue. Nous avons participé à l’émergence de la CPTS sur le territoire (Communauté professionnelle territoriale de santé) en charge de coordonner la médecine de ville ». Un travail mutualisé entre l’exécutif, l’ARS, les praticiens, l’URPS médecins, pour ne citer qu’eux.
Parmi ces MSP, on retrouve notamment celles de Charles Gide, Feuchères, Chemin bas d’Avignon, Mas de Ville ou Carnot Talabot (liste en fin d’article). La MSP Carémeau est une dernière-née de la famille. Le Berceau (notre article ici), univers novateur dédié à la périnatalité, a vu son projet muer à la demande des services de la Ville afin d’y inclure des médecins généralistes et de constituer une Maison de santé multisites. « Il y avait une pénurie sur le secteur Saint-Césaire avec un seul médecin. Ce projet est tombé à point nommé » se réjouit l’adjointe.
« La Ville apporte son soutien au développement de l’exercice regroupé mais dans la limite des compétences », pointe Dolores Orlay-Moureau qui craint d’assister à une médecine à deux vitesses. Une compétition gagnée par la ville disposant du plus gros budget, des exonérations fiscales les plus avantageuses ou du foncier le plus abondant. Une position partagée par Philippe Ribot (notre article ici), président de l’Association des maires du Gard, qui dénonce une forme de concurrence entre communes.
« L’Etat doit se pencher sur la question du soutien à l’investissement sur le foncier. Il existe des solutions à explorer avec les Foncières qui accompagnent les collectivités et les acteurs de santé dans l’élaboration de leur projet, notamment sur le plan financier et immobilier. Tout ça est à l’étude par nos services », poursuit l’élue.
Quartier Gambetta, un projet de regroupement de 40 praticiens est sur la table. « Le dialogue ne s’est jamais rompu avec les médecins, affirme l’élue. Nous les accompagnons dans la recherche d’un local adapté ». Quant au secteur Kennedy, une réunion s’est tenue avec les acteurs concernés. « Nous leur avons proposé une prise en charge financière partielle pour l’installation d’Algeco attenants à leurs locaux conformément à leur demande », affaire à suivre.
Obliger les jeunes médecins à s’installer en zones de tension ?
Ne peut-on pas envisager, à l’image des officines de pharmacie, contraindre l’installation des médecins à des critères géo-démographiques afin d’assurer un maillage optimal ? « Je ne suis pas certaine que ce soit la solution. Et de toute manière les médecins ne sont pas prêts à l’accepter. Il convient de donner du sens à une politique de santé globale, à partir des besoins d’un territoire en donnant aux communes plus de pouvoir de décider et d’agir », tranche l’adjointe.
Aux côtés de Julien Plantier, premier adjoint au Maire délégué à l’Urbanisme, l’élue recevait il y a quelques mois les internes du CHU de Nîmes (faculté Nîmes-Montpelier) au Musée de la Romanité Objectif ? Leur présenter la ville et ses atouts. « Nous souhaitons que les futurs médecins développent un lien privilégié avec la capitale gardoise », ponctue l’élue.
Reste que l’installation des médecins se retrouve intimement corrélée avec le sujet d’insécurité prégnant dans certains quartiers nîmois. Un enjeu de santé publique conditionné en partie par les solutions déployées par le Gouvernement sur le terrain.
« Certaines femmes utilisent du papier journal »
Autre cheval de bataille de Dolorès Orlay-Moureau, la lutte contre la précarité hygiénique qui concernerait environ 14.000 femmes à Nîmes. « On ne peut rester insensible face aux remontées terrain. Certaines femmes remplacent les serviettes hygiéniques par du papier journal, déplore l’élue d’un air grave. Certaines portent la même serviette hygiénique plusieurs jours. »
Et de poursuivre : « Difficile de s’insérer quand on sent mauvais, que l’on n’est pas bien dans son corps ni dans sa tête ». L’adjointe a naturellement fait sienne la collecte de dons portée par Cansas, réseau de 7 associations caritatives et sociales (Secours populaire, Croix rouge, Humanîmes…) Armée de son bâton de pèlerin, elle n’a pas hésité à taper aux portes des clubs sportifs et des réseaux d’entreprise. Un don du Conseil départemental du Gard de 5500 euros a également gonflé la cagnotte. « Au-delà des considérations politiques, la question de la santé rassemble. 30.000 euros ont été collectés l’année dernière, il est fort probable que l’on dépasse les objectifs cette année », se réjouit-elle.
Les donateurs ont pris conscience d’une situation jusqu’alors sous-estimée. « Surtout les hommes, qui ont pensé à leur mère, fille, sœur… », précise l’adjointe. Une mobilisation plus complexe à appréhender que la faim ou le cancer, mais toute aussi importante. « Pour vous dire, même le directeur de l’IFME a réclamé des kits pour ses étudiantes elles-mêmes en situation de précarité… », nous souffle-t-elle.
« Confiance en la méritocratie »
« Je fais de la politique mais je ne suis pas une politique », affirme l’élue en charge depuis trois ans. Directrice des services médicosociaux au sein de APF France Handicap, Dolorès-Orlay Moureau a tôt été confrontée au handicap dans son environnement. Atterrir au sein de l’exécutif nîmois ? Un concours de circonstances et « le destin » pour celle qui ne dispose pas de sa carte Les Républicains. « Une partie de mes collègues n’est pas encartée. Nous avons été choisis sur nos profils pas sur nos cartes, être de divers horizons au sein de l’équipe est une richesse », juge-t-elle.
Des ambitions politiques pour la suite ? L’élue ne se projette pas, mais constate le pouvoir de transformation de la société, « le travail est immense ». Elle communique régulièrement sur la toile, rend compte, rempart à la défiance à l’égard de la politique au sens général. « Je veux respecter mon engagement vis-à-vis des Nîmois et la confiance et l’honneur donnés par le Maire. J’ai un fils de 12 ans, je veux qu’il ait foi en ce pays, qu’il ait confiance en la méritocratie », conclut-elle.
Linda Mansouri
Liste des MSP et CDS (Centre de santé) à Nîmes : MSP NIMES CARRE D’ART MEDICARREE ; MSP DU CIRQUE ROMAIN (multisites) ; MSP VALSANTE (multisites) ; MSP CHEMIN-BAS D’AVIGNON HEALTH ; CDS MEDICAL ET DENTAIRE OXANCE ; MSP NÎMES CARNOT TALABOT ; MSP DU MAS DE VILLE ; MSP CADEREAU (multisites) ; MSP CAREMEAU (multisites) ; MSP TRAIT D’UNION ; MSP LA BANDIDO (multisites) ; MSP CHARLES GIDE (multisites) ; MSP FEUCHERES (multisites) ; MSP PORTE DES ARTS ; MSP CASTANET.
