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‘Petit Atelier de Nîmes’ et grand engagement social

Chemin Bas d’Avignon, la jeunesse goûte à l’ouverture au monde à travers la création artistique et culturelle.

Ne lui parlez-pas de loisirs créatifs, ni de couper des « ribambelles de fleurs ». Abordez plutôt le travail à l’argile, les chiffres romains en 3D et autres peintures qui interrogent la jeunesse nîmoise quant à sa place dans l’histoire. Non loin d’un piano et de jeux éducatifs, l’artiste plasticienne Véronique Pinguet est absorbée par son ordinateur. Voilà des années qu’elle met sa passion du multi-matériaux au service de la mixité sociale. Tels des « Robinson Crusoé », les enfants font tout de leurs mains, là où il est plus périlleux d’extérioriser à l’écrit tant les lacunes sont importantes.

Couture, modelage, théâtre, musique, piano, archéologie, impossible de s’ennuyer. La culture et l’art révèlent leur puissance fédératrice et émancipatrice. Dans les quartiers prioritaires, modeler une poterie permet de débloquer son apprentissage via la motricité. Surtout de comprendre les règles, de les appliquer tout en favorisant la cohésion sociale. Après des années d’ateliers au sein même de son domicile, et d’activités mobiles sur les quartiers de Grézan et Chemins Bas, la coordinatrice de l’association « Le Petit atelier de Nîmes » nous accueille dans le local dédié à la structure. 1 place Lahaye, un antre de l’éducation populaire anciennement occupé par l’association Samuel Vincent qui a migré vers la ‘Maison des enfants’.

L’artiste redonne goût à l’histoire, tente de faire évoluer le regard sur la société. « Quand les jeunes du Chemin Bas se rendent en centre-ville, ils disent qu’ils vont à Nîmes », pointe Véronique Pinguet, comme si le quartier formait une bulle hermétique à la vie nîmoise. « En même temps c’est normal, jusqu’à 12 ans ils ont tout à proximité, pas d’obligations à sortir… », abonde Lucile Aubert, médiatrice recrutée il y a deux mois dans le cadre d’un contrat adulte-relais. Et d’évoquer les jeunes du quartier Richelieu qui n’ont jamais visité les Arènes… L’enjeu même de ces associations est de détruire les plafonds de verre.

L’association fait la part belle aux activités manuelles. Crédit photo : Petit Atelier de Nîmes

« L’association existe parce que les adhérents sont présents. Dans le quartier, il y a des parents hyper motivés par l’éducation de leurs enfants », se réjouit Véronique Pinguet. Une joyeuse bande comme elle aime à les nommer, de 35 familles, soit 110 adhérents. Parmi eux, beaucoup de familles monoparentales, ou des enfants atteints de troubles du comportement. Pour faire rempart au sentiment d’exclusion, les jeunes sont amenés à l’Odéon, au Périscope ou au Théâtre de Nîmes, pour ne citer que ces lieux.

Développer la participation du parent

Surtout, l’équipe développe la participation des parents dans le cadre de la relation parent-enfant. Elles appellent de leurs vœux davantage de sessions en binôme au sein des Class, les contrats d’accompagnement à la scolarité. « Les parents devraient pouvoir au moins être présent avec l’enfant pendant une demi-heure », estime Lucile. Une fois par semaine, des jeux de société envahissent ‘le Petit atelier de Nîmes’ après l’école. Un moment privilégié qui voit les parents jouer avec leurs enfants et ceux des autres. « Cela leur permet aussi d’apprendre les règles, attendre son tour, apprendre à perdre, ranger les cartes… », liste Lucile.

C’est à Paris que Véronique Pinguet fait ses premières armes, plus précisément dans les bijoux fantaisie. Une pure autodidacte évoluant dans la niche artisanale des métiers du patrimoine, autour de la mosaïque et de la mise en volume. « C’est un hasard de la vie. Je n’ai pas beaucoup de talent, mais beaucoup de persévérance », l’humilité l’honore. ‘Le Petit Atelier de Nîmes’ nait d’une demande massive des voisins et enfants du quartier.

L’équipe ne rate jamais un forum des associations. Crédit photo : Petit Atelier de Nîmes.

L’association voit le jour en 2006, à son domicile, quartier de Grézan, où elle conduit trois séances auprès de six enfants les mercredis après-midi. Sans subvention, mais avec un forfait de participation, elle y apprend les règles d’or : comment expliquer, laisser faire, favoriser la créativité des enfants. Parallèlement Véronique Pinguet est à la tête de sa propre entreprise individuelle artisanale créée il y a 23 ans : l’Emporte-pièce.

30% du budget de l’association provient de ses prestations en tant qu’animatrice plasticienne sur le thème du patrimoine et des arts visuels. Parmi les partenaires : le Pont du Gard, la Ville de Nîmes pour les journées romaines, la crèche Emmanuel d’Alzon… Le reste du budget provient des subventions accordées par l’État, les collectivités territoriales et la CAF du Gard qui constituent un soutien solide.

Toute une aventure partagée par les membres du conseil d’administration qui reflètent l’ADN de l’association à merveille. Des journalistes, professeurs d’histoire et autres musiciens portés sur l’ouverture au monde et les valeurs universelles. Trois mamans et deux jeunes de moins de 30 ans font également partie du CA, « on se réjouit de voir des jeunes motivés », indique Véronique Pinguet.

Musées, châteaux, mine d’Ales, la jeunesse en vadrouille. Crédit photo : Petit Atelier de Nîmes.

Difficulté et instabilité émotionnelle

Un public difficile ? « La créativité, le sens artistique, tout le monde peut l’avoir », rétorque la coordinatrice avant de poursuivre : « On va remarquer des difficultés liées à une instabilité affective. L’enfant est remuant, il a du mal à se concentrer ». Quant à l’orthographe et la syntaxe, « c’est catastrophique à l’écrit, je ne peux même pas relire ce qu’ils ont écrit », regrette Véronique qui milite pour des ateliers de lecture et d’histoire, « la richesse de leur expression passe par l’oral ».

Des enfants qui à la maison retrouvent très souvent des parents à la maitrise du français trébuchante, des publics éloignés de la culture… « Je pense qu’il y a une attitude volontaire d’éducation de son enfant, une nécessite d’être conscient du monde dans lequel on vit, poursuit Véronique. Les apprentissages se font en lien avec quelque chose d’affectif. On a tous ce souvenir du compliment de l’instit’, on a besoin de ce regard aimant pour progresser. »

D’où la volonté appuyée de faire participer les parents aux ateliers. Les activités sont par ailleurs adaptées à la demande du public qui répond très souvent à des questions de satisfaction. « On ne leur demande pas s’ils ont aimé ou ce qu’ils n’ont pas aimé, mais de citer un élément découvert dans la sortie, pour avoir une analyse un peu plus poussée », précise Lucile.

Bientôt entreprise de l’ESS ?

L’Emporte-pièce fabrique et commercialise un jeu à la découverte du patrimoine, un kit puzzle vendu dans des boutiques de musée. Véronique Pinguet confie la production aux détenus de la Maison d’arrêt de Nîmes, rémunérés sur la base du SMIC. Elle songe à rapprocher sa structure artisanale de l’association le Petit Atelier, en une seule Entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS) d’ici quelques années. Ceci dans le but de d’employer des publics éloignés du monde du travail, issus des quartiers prioritaires, et de consolider la structure associative. Un projet qui prend tout son sens là où le taux de chômage tutoie les sommets. 

Linda Mansouri

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