Article et photo : Linda Mansouri
Nombreux sont les défis des premiers magistrats des communes.
Il nous accueille dans les bureaux de l’AMF du Gard (Association des maires) qu’il préside. Dans le sillage du Salon des maires 2023, Philippe Ribot se réjouit des quelque 2500 visiteurs. Record battu également pour les 121 stands. « Il y a assez peu d’occasions pour se rencontrer finalement. Les élus d’Alès Agglomération ne voient pas régulièrement ceux de Nîmes Métropole ou du Gard Rhodanien, et vice-versa », souligne le vice-président d’Alès agglomération.
Il précise n’être plus encarté à l’UDI (Union des démocrates et indépendants). Ni à Agir, groupe de la majorité présidentielle avec lequel il a battu campagne lors les dernières législatives. Aucune entorse à ses convictions toutefois. « Je me suis toujours engagé sur le refus de Mélenchon et de Le Pen », ajoute celui qui fut piqué par la politique à 13 ans. Représenter le territoire tout en portant des projets structurants, le maire de Saint-Privat-des-Vieux revient sur les principaux défis des édiles.
Loi ZAN, « pas 36.000 manières de faire »
Un acronyme devenu la bête noire des maires du territoire. « Quand ça vous tombe dessus, vous ne savez pas comment y arriver. Vous ne pouvez pas imaginer qu’en 2050, vous ne puissiez pas construire sans artificialiser », pointe-t-il. Sur l’objectif du ‘Zéro artificialisation nette’, il adhère volontiers à la protection de la biodiversité, des espaces naturels et de ceux dédiés à l’agriculture. Reste à définir le mode d’emploi…
D’ici à 2030, les communes (toutes tailles confondues) devront artificialiser 50% de moins que sur la période des dix dernières années. « 17.000 hectares sont à artificialiser sur la Région Occitanie, indique l’édile. La vraie question maintenant, c’est comment se les répartir ? Cela risque d’être compliqué si les métropoles absorbent plus que les communes rurales. Sans compter l’héliotropisme (ndlr. L’attirance des populations vers une région plus ensoleillée) »
« Il n’y a pas 36.000 manières de faire. Dans ma commune, on est en R+1 partout, je peux très bien envisager d’ajouter un étage à certains endroits. Il n’y aura pas d’autres solutions », propose-t-il. Des assouplissements sont en train d‘être étudiés, notamment sur la nomenclature. « Dans le schéma actuel, le jardin d’une maison est considéré comme artificialisé », souligne l’édile. Il évoque une injustice : « la commune qui a davantage artificialisé, va se retrouver à avoir plus à artificialiser que la commune vertueuse. Le bon élève d’hier sera pénalisé car bon élève ».
Lenteur administrative, gare à l’immobilisme
Une superposition de contraintes qui se sont accentuées ces dernières années ralentit les projets. « Elles sont utiles, car sécurisent la construction, préservent la santé de nos concitoyens. A une époque, on s’affranchissait de tout cela », il reconnait. Il cite les contraintes sismiques, le risque feu de forêt ou inondation. « La problématique hydraulique est importante en Cévennes, comme à Nîmes d’ailleurs », dixit le conseiller départemental.
Puis il y a les démarches dont on pourrait se passer. « Toutes les semaines, je signe des autorisations d’urbanisme pour installer des panneaux photovoltaïques sur les toitures, entame l’élu. Qu’on l’exige à coté de Notre-Dame de Paris, je veux bien. Mais dans ma commune, je n’ai rien de classé. Les agents d’instruction et les demandeurs perdent un temps fou pour s’occuper du dossier complet ».
Il cite alors David Lisnard, maire de Cannes et président de l’AMF. « Cela fait huit ans environ qu’il travaille sur la réutilisation des eaux usées. Toutes les études montrent l’innocuité des eaux résiduelles pour arroser les jardins publics ou nettoyer la voirie. Il a connu un blocage de l’administration centrale et a eu l’autorisation le jour où il a médiatisé l’affaire ».
Il poursuit : « On demande aux services de l’Etat d’être un peu plus dans l’accompagnement. A cet égard, la préfète du Gard et le directeur de la DDTM sont facilitateurs. Pendant longtemps, on a eu l’impression que l’Etat cherchait plus à freiner les projets qu’à les voir réussir. » Quant au rôle du maire, « celui d’aujourd’hui n’est plus le même que celui d’il y a 30 ans. On est moins sur le maire bâtisseur que le maire gestionnaire. Il faut concilier les deux », appelle-t-il de ses vœux.
Réseaux sociaux, « une cata’ pour la démocratie locale »
Au chapitre démocratie locale, la nécessité de réunir toutes les parties prenantes favorise les projets. C’est le cas pour la désimperméabilisation et la végétalisation des trois groupes scolaires à Saint-Privat-des-Vieux. « Je me souviens quand j’étais gamin, il y avait que du goudron, une petite haie et un peu de terre pour jouer aux billes, indique-t-il. On plante des arbres, on déconstruit une partie des cours et on remplace le goudron par des plantes et des copeaux de bois ». Ça a transformé la qualité de vie des enfants et du personnel éducatif. Mais cela doit être préparé en amont ».
Et d’ajouter : « Notre rôle est de faire de la pédagogie lors des réunions de quartier. Les gens ne connaissent pas notre fonctionnement, nous sommes sans arrêt à faire des arbitrages, il faut leur expliquer pourquoi ». Des concertations qui quelques fois ne suffisent plus. Dans le Gard, une grosse quinzaine de maires a rendu l’écharpe depuis 2020 selon l’édile. Certains en attendaient autre chose.
Par-dessus tout, il craint voir de moins en moins de listes se présenter, un « péril pour la démocratie ». Le débat politique transposé sur les réseaux sociaux, à l’ère de l’instantanéité et de l’agressivité est « une cata’ pour la démocratie locale ». Il poursuit : « La majorité silencieuse qui ne s’exprime pas mais observe nous dit ‘jamais je me mettrai sur une liste municipale pour être critiqué comme vous l’êtes’ ». Alors, il dompte la bête, fait çà et là des publications synthétiques pour informer ses administrés.
Désertification médicale
Au chapitre médecine rurale, il tranche : « La triple peine pour les zones rurales ». Confirmé lors des Etats généraux de la santé à Alès Agglomération il y a quelques jours, la densité de médecins généralistes dans le Gard est faible. Réguler l’installation des médecins ? « Il y a des arguments valables des deux côtés. La formation médecine coute très chère au budget de l’Etat qui peut en attendre une contrepartie. Il existe par exemple des obligations d’installation pour les pharmacies. A contrario, cela peut décourager les futurs médecins de choisir cette voie », juge Philippe Ribot.
Il dénonce toutefois la forme de concurrence entre les communes qui s’essaient à une danse du ventre pour charmer les internes en médecine. « Le problème numéro un reste la pénurie de médecins, de spécialistes dans certaines disciplines. Il faut trouver des solutions », conclut-il. A commencer par le ‘Numerus clausus’ qui limite le nombre de médecins diplômés depuis 50 ans.
Partager cet article :
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Instagram(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Messenger(ouvre dans une nouvelle fenêtre)