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Pont du Gard : recréer un « sentiment d’appartenance »

Article et photos : Linda Mansouri

Politique tarifaire, inclusion, projets à venir, un moment avec Sébastien Arnaux, directeur du Pont du Gard depuis cinq ans.

On se sentirait presque VIP. La barrière se lève automatiquement pour un passage tout en fluidité. Terminé le crochet à la billetterie et les contorsions pour biper le ticket à chaque sortie. Aux quelques Gardois qui rechignent à s’acquitter du forfait, « pour neuf euros par voiture, et par an, vous avez un accès annuel au Pont et aux spectacles du soir », souligne Sébastien Arnaux. Mieux encore, « si vous venez avec votre cousin de Vaucluse, il ne paiera pas », ajoute le directeur général pour qui le ‘sentiment d’appartenance’ est la pierre angulaire.

Une nouvelle tarification qui se veut universelle et simplifiée pour le 1 million de visiteurs l’année, 400.000 en haute saison. Il fallait au moins ça pour ces 50.400 tonnes de pierre, comparées aux pyramides d’Egypte par Mounir Bouchenaki, expert à l’UNESCO.

Pour contribuer à son rayonnement, une centaine d’agents en CDI s’affairent quotidiennement à offrir la meilleure expérience. « Ils sont passionnés de ce lieu, pétris de connaissances à différents niveaux. On ne les voit pas tout le temps, mais ce sont eux qui font l’âme du site », rend hommage le directeur qui nous montre l’exposition photo mettant à l’honneur les employés à l’accueil.  

Les visages des agents sont exposés à l’accueil. Crédit photo : Linda Mansouri

365 jours : 9 euros

Une nouvelle politique tarifaire qui a entrainé dans son sillage une diminution des recettes. « Nous avions anticipé cette baisse par la réduction de nos coûts de fonctionnement », explique Sébastien Arnaux. Les contributions de la part des collectivités ont de fait également diminué. Le Conseil départemental du Gard abonde de 2M€, contre 2,75M€ auparavant ; la Région Occitanie de 800.000 euros contre un million.

« Il ne faut pas réduire la relation des Gardois au Pont à un tarif. Quand il n’y a plus que l’argent qui nous unit, il y a une question à se poser », estime le directeur. Pour neuf euros donc, les visiteurs du globe ont accès à un site propre, sécurisé, aménagé, qui appelle au civisme de chacun. Pour les moins de 18 ans et les étudiants, l’entrée dans les espaces musée, ciné, ludo, expo tempo est gratuite.

Le musée du Pont du Gard vous plonge dans l’ingénierie spectaculaire. Crédit photo : Linda Mansouri

« On est revenu sur les fondamentaux du Pont du Gard. On a réduit la voilure dans beaucoup de domaines », une stratégie qui permet de faire valoir une meilleure attractivité. En collaboration avec les collectivités territoriales, le tarif des sorties scolaires a également été revu à la baisse. Comptez une enveloppe de 320 euros pour un groupe de 50 enfants, contre 500 euros auparavant. « Une diminution de 36% que l’on peut affecter à de nouveaux ateliers par exemple », abonde-t-il.

« La gestion publique sait être efficace »

A la tête du Pont du Gard, une structure publique. L’Etablissement de coopération culturelle (EPCC) a la charge de la protection, la valorisation et la promotion du site et de son écrin. Les décisions se prennent de manière collégiale entre le Conseil régional, le Conseil départemental, les trois communes que sont Vers, Castillon-du-Gard et Remoulins, et enfin les services de l’Etat (Dreal, Préfecture…).

Pour Sébastien Arnaux, l’établissement public a pleinement son rôle dans la création du sentiment d’appartenance. « Comment à partir du Pont du Gard, on retisse du lien, on reparle d’universalisme, de ‘faire société’. La gestion publique sait être efficace, en matière d’offre, de politiques publiques, de développement économique. Tout le monde se déchire sur tout, le seul lieu qui rassemble, c’est le patrimoine », affirme le directeur. Un site qui nous permet ainsi de sortir du « fracas du monde » pour s’adonner à la quiétude et interroger notre place dans l’histoire de l’humanité.

Que le spectacle commence. Crédit photo : Linda Mansouri

Les politiques publiques et le travail avec les élus, Sébastien Arnaux en est coutumier. Une corde à son arc qu’il met au service de ses prises de décisions. Il a notamment été directeur de cabinet des ex-présidents du Conseil départemental du Gard : Jean Denat et Denis Bouad. En 2017, il répondait à un appel à candidature pour le poste de directeur général du site.

« C’était un nouveau challenge qui alliait privé et public, et qui me permettait d’acquérir une certaine autonomie au niveau des politiques publiques sur un site comme celui-là », explique-t-il. Il constate toutefois une propension à s’enfermer dans des appartenances politiques : « la génération d’autrefois laissait plus facilement ses clivages de côté pour trouver des solutions ».

Dérèglement climatique : le Pont dans 20 ans 

Plus qu’un site touristique, le Pont du Gard questionne sur « la relation au temps, à l’autre et à la planète » selon Sébastien Arnaux. Pour ce qui est de l’environnement, les jeunes sont décisifs, comment les éduquer en humanité ? « Dans 20 ans, les gamins vont se retourner vers ceux qui avaient le pouvoir de changer les choses et qui n’ont rien fait », prédit-il. Des jeunes qui demanderont légitimement des comptes sur les actions entreprises.

L’espace musée/ludo sera l’objet de réaménagements pour un montant de 3 millions d’euros. Crédit photo : Linda Mansouri

Sans être en faveur de la décroissance, le directeur s’interroge : la richesse est-elle systématiquement synonyme de développement économique ? « Les problématiques de sècheresse, de canicule, de sur-fréquentation, on ne va pas pouvoir les éviter. On fréquentera à d’autres moments, c’est pour cela qu’on a mis en place la tarification ‘venir et revenir’. Le Pont est beau toute l’année. » Et d’ajouter : « On n’est pas obligé de venir entre 10h et 18h. On pourrait élargir les plages horaires en matinée, en soirée ».

Seul, le site ne peut pas répondre à cette question, des modèles de société sont à repenser. Sébastien Arnaux entend multiplier les conférences de chercheurs, d’universitaires et de scientifiques sur site pour penser le monde de demain.

Le Pont est LE spectacle

Au chapitre évènements, Sébastien Arnaux tient à le souligner : le site n’est pas un lieu de spectacle à proprement parler. Le pont en lui-même est Le spectacle. « Je n’exclus pas les spectacles, mais il fallait retrouver l’essence même du Pont du Gard », indique-t-il. Des évènements de petites formes et gratuits se sont multipliés. « Même pour les non précaires, un spectacle à 40 euros pour une famille de trois enfants, on y réfléchit avant », souligne-t-il.

Vignerons au Pont, festival Pâques au Pont, foire de l’oignon doux, spectacle sons et lumières, autant d’animations qui contribuent à reconstruire ce sentiment d’appartenance. L’exposition « De l’amour » élaborée par la Cité des sciences de Paris a été « un outil extra de communication qui a permis au Pont du Gard de rayonner différemment » durant une période morose. Sans parler de Julien Doré venu tourner un clip ou du feuilleton Un si grand soleil tourné sur site, le Pont ne cesse de nourrir les fantasmes.

Sortir du « fracas du monde ». Crédit photo : Linda Mansouri

Quid d’une fondation ?

L’incivilité ? Elle existe. Les agents de propreté ne comptent plus les emballages McDos abandonnés sur les rives. « Certains disent qu’il faut supprimer les bus. Surtout pas », estime Sébastien Arnaux pour qui la sensibilisation doit prendre sa place le plus tôt possible. « Quand l’un est défaillant il faut que l’autre compense. On a tous une responsabilité, on ne peut pas dire ‘ce n’est pas moi c’est l’Etat, l’école ou la famille’. A l’arrivée il faut qu’on agisse », estime le directeur. Ce dernier entend réhabiliter le voyage scolaire pour sortir les jeunes de leur environnement. Pour faire le pont entre le public et son histoire, une fondation pourrait également voir le jour.

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