Entretien avec un passionné de cultures urbaines au service de la jeunesse gardoise.
« Tout le monde danse ensemble, pauvres, riches, urbains, ruraux, filles, garçons, jeunes, plus vieux », se réjouit Jawad Frikah sirotant son allongé, Petite bourse à Nîmes. C’est l’histoire d’une association qui voit le jour en 2012 et affiche dès son ouverture 150 adhérents dans le nord du Gard.
‘All style’ est à l’aube d’un tournant. A l’heure ou le ‘Breaking’ devient une nouvelle discipline aux JO 2024, l’association s’organise à l’échelle départementale pour faire rayonner le Gard. La culture urbaine sous toutes ses formes, vectrice d’intégration et de cohésion sociale, c’est ce que défend le bureau. « La force de l’association est de parcourir aussi bien les quartiers prioritaires que la ruralité », explique Jawad Frikah, 42 ans. Aussi de métisser les influences, un DJ hip hop épouse alors un orchestre symphonique qui joue en fond.
Dans n’importe quelle commune, un public l’attend. Professeur pédagogue, Jawad migre naturellement vers le volet stratégique de l’association. Objectif ? Satisfaire une demande croissante. Pour ce faire, Jawad entend bien développer le maillage territorial, décrocher de nouvelles subventions, voir les choses en grand. Les collectivités ne tardent pas à soutenir ‘All style’ : la ville d’Alès, Alès agglomération, l’Etat via la DRAC, Cèze Cévennes, le Conseil départemental du Gard, la Région Occitanie…
Succès plein pour la semaine internationale du hip hop. 3500 personnes ont assisté aux représentations, en partenariat avec Le Cratère, l’association Da storm et nombre d’autres structures du territoire. L’actualité est dense, un évènement à Vauvert le 1er Novembre, sans compter la Caravane hip hop qui sillonne les Cévennes tout le mois d’Août.
‘Breaking Gard international’
L’Espace Gard découvertes de Méjannes-le-Clap a décroché le label CPJ pour ‘Centre de Préparation aux Jeux ‘ 2024. Dans ce cadre, ‘All style’ est à l’initiative de l’évènement ‘Breaking Gard international’, une semaine de représentations dans le département pour honorer la discipline du ‘breaking’. L’ouverture aura lieu à Vauvert, en partenariat avec Da storm et Urban, pour s’installer ensuite à l’Espace Gard découvertes, du 3 au 5 novembre prochains.
Encore mieux, un comité départemental de réflexion a été créé, chapeauté par ‘All style’. Jawad Frikah originaire d’Uzès nous annonce une bonne nouvelle : le ‘Mois du hip hop’, en partenariat avec la scène nationale alésienne et l’Ombrière. Jean-Luc Chapon (notre article ici) remettra en personne le trophée au gagnant.
« Je suis un pur produit de l’éducation populaire »
Son engagement prend racine dans le sport. Avec un frère karatéka, Jawad Frikah s’intéresse très tôt aux arts martiaux, puis à la boxe. Après plusieurs combats au Boxing club d’Uzès à 15 ans, il se laisse happé par la danse. « Quand j’allais à la boxe, des gens s’entrainaient dans une salle, j’ai demandé à essayer un jour », le voici piqué par le hip hop.
Une révélation pour celui qui s’épanouit dans le freestyle. « Ce qui m’a plu tout de suite ? La liberté de créer, loin du sport codifié », indique-t-il. Les spectacles suivent très vite. Au Théâtre Jean Vilar à Montpellier, Jawad arrive troisième avec son crew. Il gagne son article au Républicain d’Uzès en 1998. Après une démo’ à Ales, la directrice de l’association culturelle ‘Note bleue’ le remarque. Elle qui cherche à développer les cultures urbaines lui fait signer son CDI à seulement 18 ans.
« Elle a été absolument bienveillante », se rappelle celui qui s’initie à l’animation. Il se forme et acquiert nombre de diplômes d’Etat. « Je suis un pur produit de l’éducation prioritaire. Je n’ai jamais arrêté d’évoluer », nous explique celui qui a pour seul moteur la passion.
En 2006, il intègre le Centre Social et culturel le Kiosque à Saint-Julien-les-Rosiers. Avec une expérience plus robuste, il anime des cours jusqu’à Génolhac, la Lozère ou l’Ardèche. Il commence à prendre de la « bouteille ».
Une vision globale
Un long chemin parcouru jusqu’à aujourd’hui. La force d’All style réside dans l’harmonie des pratiques. Du graffiti à la danse, en passant par le ‘Slackline’, tout l’écosystème est mobilisé. « Ce n’est pas parce que je suis issu de la danse que je la favorise au détriment d’autres disciplines. Je défends une vision globale », poursuit-t-il. Outre les cours et stages, des voyages permettent d’ouvrir les horizons. En Bretagne, les jeunes issus des quartiers prioritaires iront bientôt échanger autour du patrimoine français.
« Des gens te poussent à aller plus loin, tu te sens prêt à assumer un grand rôle qui t’appartient », poursuit Jawad. ‘All style’ n’est pas une école de danse, elle s’articule autour de plusieurs axes : cours ; stage petites vacances ; séjours ; projets jeunes ; évènements…. En plein Covid, l’association se démarque par sa capacité d’adaptation et nourrit une forme de reconnaissance.
Même si la compétition n’est pas la raison d’être, le Crew ‘All style’ brille lors des compétitions. En témoigne ‘Battle of the year’ au Zénith de Paris, remporté en 2017. Quelques pépites en sont sorties, comme Malik Frikah, nul autre que le fiston. Champion de monde de break danse, Malik a notamment tenu quelques rôles au cinéma (Apaches). De nouveaux rôles de haute volée sont en préparation… Jawad Frikah a par ailleurs formé nombre de danseurs devenus professeurs à l’étranger, Australie, Etats-Unis…
Actuellement basé à la ‘Maison pour tous’ à Alès, Jawad Frikah se réjouit de la mise à disposition par la ville. Pour la suite de l’activité qui ne cesse de se développer, il aimerait toutefois disposer de locaux propres à l’association. « On est résilient, on ne baisse jamais les bras », conclut-il.
