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Pissevin : ‘Les Mille Couleurs’ pour dessiner l’avenir

Article et photo : Linda Mansouri

Environ 16.000 habitants et autant de défis pour le centre social associatif.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. On mesure l’ampleur de l’association par ces contours : 28 ans d’ancienneté, 17 salariés, 2300 bénéficiaires, une quarantaine d’actions réparties sur 4 pôles. ‘Les Mille couleurs’ est modestement devenue incontournable dans la vie de la cité. Une dizaine de femmes attendent l’ouverture en devisant, place Leonard De Vinci, quartier Nîmes Pissevin, tandis qu‘environ 60 personnes par jour transitent par l’accueil ou l’espace numérique.

Il n’est surtout pas question de « consommer » un service, mais plutôt d’adhérer à un projet social. Une adhésion qui permet aux bénéficiaires de voter lors des Assemblées générales. « Ils ont le pouvoir d’agir à travers cet engagement réciproque », aime à le rappeler Raouf Azzouz, directeur. Il poursuit en salle de réunion : « la population doit reprendre espoir, participer aux enjeux comme la rénovation urbaine ». Entré par la porte de la comptabilité en 1998, Raouf Azzouz a participé avec le bureau à construire un projet d’éducation populaire et républicaine. Hors de question d’assister impuissant au sentiment d’abandon diffus sur le territoire. Résultat : ‘Les Mille couleurs’ décroche en 2019 l’agrément de Centre social associatif auprès de la Caf suite à l’engagement sans faille de ses élus associatifs.

‘Faire société’, une gageure dans l’un des ensembles urbains les plus pauvres de France. Les salariés et les bénévoles s’emploient à ce que Pissevin « redevienne un quartier où il fait bon vivre malgré le taux de chômage, la drogue, la prostitution et la violence. » Pour ce faire, une multitude d’actions telles que des cours de français, des activités culturelles collectives ou des voyages voient le jour. ‘Les Mille couleurs’ offre aux jeunes comme aux adultes, la possibilité de prendre conscience de leurs aptitudes et de se préparer à devenir des citoyens actifs.

Les jeunes s’emparent du micro. Crédit photo : Les Mille couleurs

« Je pense que les gens ne réalisent pas la place de l’association dans le quartier, et même dans Nîmes », pointe Hayat El Atmani, présidente. Une « petite asso’ » qui s’est muée en véritable pilier de la cohésion sociale. Aidante familiale, Hayat a très rapidement créé une permanence pour accompagner ces gens qui dédient leur quotidien au service de personnes dépendantes. « Le but était aussi de les diriger vers tous les autres services proposés ici. Beaucoup de personnes ne s’étaient jamais confiées auparavant. Les femmes, pour la plupart, ont aussi un ‘droit au repos’ via les ateliers bien-être par exemple », explique-t-elle.

Ces actions, aussi indispensables, sont-elles un pansement sur une plaie ouverte ? Loin d’éradiquer toutes inégalités, elles contribuent à une forme de paix sociale. « Les élus nous disent souvent que nous sommes un relais important. Cela pourrait être pire, c’est mieux que rien », relativise Raouf Azzouz. Il poursuit : « Les gens disent que Pissevin est une cité-dortoir, qu’on les a mis ici alors qu’ils n’avaient pas trop le choix, qu’ils aspirent tous à quitter ce quartier. L’objectif est justement d’en faire un vrai village avec un accès à la sécurité, aux commerces, aux logements de qualité, aux transports ».

« Notre asso’ s’est considérablement développée »

L’installation du centre social associatif se déploie notamment sur trois appartements situés « en bas d’immeuble ». Une salle excentrée est également mise à disposition par la Ville (la Villa Morise). Un ensemble qui convenait aux prémices de l’aventure mais qui tend à dévoiler ses lacunes au gré des années. L’activité grossit, le nombre de bénéficiaires s’étoffe, la demande s’intensifie. « Ce sont des appartements donc ce n’est pas agencé de façon fonctionnelle », souligne la présidente. Concernant l’accueil, un lieu plus spacieux serait le bienvenu, où les adhérents pourraient se retrouver dans plus de confort. « Ne serait-ce que pour l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes et leur reconnaissance en tant qu’acteurs du quartier », glisse Jean-Paul Sposito, vice-président. « Il faut que l’on puisse se mettre autour de la table avec les acteurs institutionnels, pour envisager toutes les options à notre disposition, rajoute Hayat. On est exigeant, car  il y a un tel besoin, une telle demande des adhérents. On risque de leur dire bientôt qu’on ne pourra plus répondre aux demandes car on manque de place ».

Crédit photo : Les Mille couleurs

Un espace pour abriter la fameuse « Guitoune », outil au service du « aller vers ». Ce triporteur se transforme en bureau mobile sillonnant le quartier. Objectif ? Discuter, informer sur les droits, boire un café, prendre la température…  Une vraie stratégie permise grâce aux subventions publiques. Parmi elles, la CAF qui finance certains postes de chargé d’accueil ou de référent famille. Sans compter l’aide apportée dans le cadre des appels à projet. L’Etat finance quant à lui des postes d’adultes relais en CDI. Le Conseil départemental du Gard, la Ville de Nîmes, Nîmes métropole et la Région Occitanie sont également partenaires financeurs. Et puis il y a la Fondation de France, la DRAC ou la Carsat, pour ne citer qu’eux.

Plus qu’un accueil « administratif »

Au pôle accueil, les bénéficiaires viennent se renseigner sur leurs droits auprès de trois médiateurs. On leur sourit, on prend le temps, sans rendez-vous. Eugénie Diolot travaille ici depuis huit ans. Référente famille, elle est responsable du pôle insertion, culture, participation des habitants.  « Ce n’est pas qu’un accueil administratif ou l’on remplit un papier. Le petit déjeuner des adhérents par exemple permet de les sensibiliser sur nos valeurs et le projet social », précise Eugénie.

Des permanences sont régulièrement organisées en partenariat avec une myriade de partenaires : le CIDFF, Ceregard la Mission locale,l’Afpa, le Codes 30. Des sessions de recrutement lancées par des entreprises locales sont quelques fois organisées. 

Pour permettre une meilleure insertion dans la société, la maitrise de la langue est incontournable. Les ateliers socio linguistiques (ASL) permettent au public de bénéficier de remise à niveau en français oral et écrit. Comptez également l’atelier de préparation au code de la route ou les ateliers de socialisation, d’initiation à l’informatique… Les adhérents peuvent réécrire leur CV ou préparer leur visite au salon Taf. Des activités manuelles et de bien-être sont proposées aux femmes du quartier généralement. Danse, yoga, randonnée, l’éventail est large au service des habitants et notamment des seniors.

La Guitoune se déplace dans le quartier. Crédit photo : Les Mille couleurs

« Pas juste consommateurs, mais surtout usagers contributeurs»

Dans le cadre du CLAS, Contrat local accompagnement à la scolarité, ‘Les Mille couleurs’ accueille des jeunes du CE1 jusqu’à la seconde. L’objectif est d’apporter un complément à l’école, de manière ludique et culturelle. C’est également un centre de loisirs pour mineurs de 6 à 16 ans. Les mercredis, samedis, petites et grandes vacances, des centaines de jeunes participent à des activités de plein air. « On leur explique qu’ils ne sont pas juste consommateurs mais usagers, que toutes les sorties ont un coût, qu’il y a un projet éducatif derrière » rappelle Raouf Azzouz. Expositions, théâtre d’impro, festival interculturel, les ‘Vendredis des Mille couleurs’, sont autant d’actions au profit de tous.

Recrutement ouvert

Dernière actualité en date, le centre social va recruter un médiateur en charge du projet « les messagers de la République ». L’objectif est de coordonner les interventions d’une quarantaine de « messagers » sur le département, experts en matière de laïcité, d’égalité homme femme, de discrimination, de réseaux sociaux, etc. Ceci dans le but d’accompagner les associations en fonction de leurs problématiques. Ces messagers sont des acteurs engagés en permanence pour promouvoir les valeurs de la République et favoriser leur mise en œuvre.

La richesse de l’association ? Un Conseil d’administration investi, des salariés et bénévoles invariablement engagés.  « Nous avons pour objectif de conserver une équipe socle motivée et d’être toujours plus attractifs. Les subventions ne sont pas pérennes d’une année à l’autre pour une association, poursuit le directeur. Seule la pertinence de notre projet associatif, s’appuyant sur des valeurs républicaines toujours réaffirmées et adaptées aux réalités du territoire, nous permet de légitimer nos interventions. Nous devons soutenir notre équipe actuelle tout en prévoyant son développement futur ».

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