Article et photo : Linda Mansouri
Au Pays d’Uzès, la communauté anglophone ne cesse de grandir ses rangs. Itinéraire d’Alexia Leachman, venue de Nottingham il y a deux ans.
Vous l’avez certainement entendu. Cet accent chantant émane de la foule le samedi matin, entre les notes épicées et les effluves de fromage. La communauté anglophone a de longue date épousé la cité ducale. Preuve en est avec ces quelques groupes Facebook regroupant des milliers d’expatriés autour d’activités diverses : randonnée, exposition, brunch… Parmi cette ‘communauté de destin’, des trajectoires différentes, des histoires uniques.
Pour Alexia et sa tribu, le ‘Brexit’ a été le déclic. Une décision d’autant plus facile qu’Alexia vivait à Nottingham. Environ trois cent mille âmes, la ville est connue pour la légende de Robin des Bois, son industrie textile, mais aussi sa santé économique plus fragile qu’à Londres et le sud en général. « Les prix allaient augmenter, ça allait être un désastre », nous confie-t-elle place aux Herbes. A Nottingham, « ils étaient pourtant 65% » à approuver le divorce avec l’Union européenne, ajoute Alexia qui ne voyait pas éduquer ses enfants dans cet environnement.
« They care for us »
C’est en Vendée qu’elle atterrit en 2019, avec son époux et ses deux filles de 4 et 8 ans. Un vrai choc culturel. Elle est coach en développement personnel, lui est dans la cybersécurité. Elle nous confie alors les différences flagrantes entre les deux pays voisins. A commencer par la distance entre deux villes françaises. « L’Angleterre est tellement petit que même dans les régions rurales, on n‘est pas vraiment éloigné », précise celle qui voue une admiration à la beauté des cyprès dressés au bord des routes gardoises. « En Vendée, c’était plutôt plat », regrette-t-elle.
Outre l’étendue du pays, le rapport au travail répond à des logiques différentes. « En Angleterre, entre midi et deux, tout est ouvert. Les commerçants font leurs affaires dans ce créneau », explique-t-elle. Quelle ne fut pas sa surprise de constater les portes closes pour la pause déjeuner. « La Poste était ouverte que deux heures par jour. Les horaires sur la porte n’étaient pas les mêmes que sur Google », se rappelle-t-elle.
La fibre est également un sujet majeur, la France accuse un retard. « On travaille en ligne à la maison, on a dû prendre le fournisseur d’accès par satellite Starlink d’Elon Musk », explique Alexia qui publie des ‘podcast’ et des vidéos. « En Angleterre, la fibre, c’est comme l’eau et électricité », poursuit-elle. Ici pourtant, Alexia ralentit, prend le temps de vivre.
A l’école, les cours sur l’histoire de France la surprennent, quelque chose de moins répandu outre-Manche. « Quand mes filles ont commencé, elles étaient obligées de signer une charte de comportement à la cantine, ne pas crier, ne pas hurler, se laver les mains. On ne trouve pas ça en Angleterre », ajoute-t-elle. Idem pour l’art de la table propre à la culture française. « Ici il y a beaucoup d’artisans, des petits champs, des vignes. Quelqu’un fait du fromage, l’autre de la confiture de figue », ou le terroir à la ‘french’. Ce qui lui manque ? La cuisine indienne qui est légion au Royaume-Unis.
En Vendée, se souvient-elle, des activités pour Noël étaient offertes par la municipalité, ainsi qu’un repas pour le 14 juillet. « En Angleterre, tout est payant. C’est un système capitaliste où l’argent occupe une place centrale. Ici, on paye plus d’impôts, mais au moins on voit où ils vont : les aides sociales, les bus, les infrastructures », explique-t-elle. Ses enfants lui souffleront même un jour : « they care for us », comprenez : ils prennent soin de nous.
Le grand bain
« Je suis tellement fière de mes filles », nous confie Alexia. Il faut dire qu’elles ont fait preuve d’un courage exemplaire. Arriver dans un pays inconnu, en plein cataclysme ‘covidique’, et apprendre le français en quelques semaines à l’école n’est pas une mince affaire. Six mois compliqués d’adaptation avec des cours de géographie ou de science dans la langue de Molière. « Elles sont restées calmes et sont devenues presque bilingues », se réjouit la maman.
C’est d’abord dans un gîte que la famille a élu domicile en Vendée. Une région rurale qui les prépare alors pour le confinement. « Je ne savais pas que trouver des locations en France était difficile, surtout pour des étrangers en CDI », pointe-t-elle. Le Covid jouera sa part de chance puisque les gîtes s’annuleront en cascade, ce qui lui permettra de rallonger son séjour.
Jusqu’au moment où il faut partir. « On n’avait nulle part où vivre », se rappelle-t-elle. Le couple se met alors à inspecter les offres sur le bon coin. Montpellier, Narbonne, Carcassonne, Pézenas, tout y passe. Elle trouvera finalement une charmante demeure en Pays d’Uzès. Sur la route, une étrange sensation : « j’avais impression de ‘coming home’ (de rentrer chez moi), alors que je n’étais jamais venue ici », explique-t-elle. C’est décidé, ce sera son nouveau nid. Le couple vendra sa maison en Angleterre pour acheter ce nouveau cocon.
Experte en ‘tocophobie’
C’est donc dans notre région qu’Alexia poursuit son activité professionnelle. L’entrepreneure a commencé par proposer des solutions de coaching à des femmes et des hommes chefs d’entreprise pour gagner en confiance et décupler leur business. « Je travaillais beaucoup sur le mental, afin d’améliorer l’émotionnel », précise-t-elle. Puis un jour, elle s’empare d’un problème : la tocophobie. « Je me suis rendue compte que beaucoup de femmes avaient cette peur extrême de la grossesse et de l’accouchement. L’angoisse est tellement forte que certaines décident d’avorter », nous explique-t-elle.
Elle développe alors une technique qui porte ses fruits auprès de femmes issues du monde entier. « J’entraine également les thérapeutes et les coachs à ma technique, je continue de travailler avec les sages-femmes », explique celle qui témoigne de dix années d’expérience dans le domaine. Un podcast est alors créé Head trash, dans lequel elle partage sa vie et donne des conseils. L’emballement est « nut » (fou), un million et demi de téléchargements jusqu’à présent. Son livre écrit en seulement deux mois rencontrera lui aussi son public : Fearless Birthing: Clear Your Fears for a Positive Birth. A l’avenir ? Elle entend multiplier les échanges et organiser des évènements pour aller à la rencontre des réseaux professionnels de l’Uzège.
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