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‘La Grande bobine’ au service de l’intérêt général

Article et photo : Linda Mansouri

Le pari courait sur six mois. Voilà deux ans que la SCOP fait le lien entre usagers et services publics.

Elles ont entre 20 et 40 ans. Les entrepreneuses débordent d’une énergie contagieuse au Spot à Nîmes où siège leur ‘open space’. Ambiance management horizontal et 100% féminine pour le moment. ‘La Grande bobine’, hommage à ce fil rouge tiré au gré des projets avec la volonté constante de servir l’intérêt général.

Le fil qui lie les six associées fondatrices autour d’une communauté de destin en 2021. A peine une question posée qu’elles déroulent avec enthousiasme la teneur des projets qui les animent. A leur contact, la notion d’épanouissement au travail prend tout son sens. Elles se sentent « utiles ».

Une dizaine de salariées à la casquette de cheffe de projet mettent leur expertise au service des collectivités locales, de l’Etat, de la population, des établissements médico-sociaux… Objectif ? Déployer des outils innovants pour réformer les politiques publiques locales. Plus que ça, redessiner l’action publique en collaboration avec tous les usagers et les parties prenantes. Aux antipodes d’un cabinet de conseil animé par l’appât du gain, les entrepreneuses n’hésitent pas à refuser des projets qui ne servent pas l’utilité publique, fameuse ligne stipulée dans leur convention.

« On ne se contente pas d’un audit sur quatre jours avec une liste de préconisations. On accompagne de la naissance du projet à la mise en place sur le terrain », entame Loriane, l’une des fondatrices. Elles n’hésitent pas non plus à redéfinir la problématique lorsque c’est nécessaire, dans une logique de ‘co-construction’.

La méthodologie varie : table ronde, atelier, prise de parole, fiche de procédure… Les problématiques ? Favoriser la participation des citoyens, gagner plus de souplesse interne administrative, créer un tiers-lieu, pour ne citer que celles-ci. « On se compare à un thérapeute de couple, métaphorise Loriane. On fait le lien entre les administrations et leurs publics ».

Une partie de l’équipe à Lézignan-Corbières pour une rencontre organisée par le RésO Ad’Occ. Crédit photo: la Grande bobine

Une communauté de destin

Faire valoir la parole de tous les citoyens, y compris celle des publics fragilisés. Equité, plutôt qu’égalité. Elles endossent la casquette de médiatrice au profit notamment des malentendants et d’autres personnes en situation de handicap. ‘La Grande Bobine’, c’est d’abord une évidence, la rencontre d’horizons divers et complémentaires au service d’un objectif commun.

Sophie était à la tête de ‘La Bobine’, une agence en design social. « On était consulté sur des projets de santé en lien avec les patients, ou d’aménagement en lien avec les habitants », indique la fondatrice. Laura quant à elle était juriste dans le bâtiment pendant dix ans. « J’avais envie de m’impliquer dans un projet qui impactait le quotidien des gens », souligne-t-elle. De formation urbaniste, Loriane était cheffe de projet dans le renouvellement urbain à Alès. « Ce qui m’a intéressée ? Les QPV (ndlr. Quartier prioritaire de la ville), comment faire réellement participer les citoyens aux prises de décision. »

Marion, réalisatrice et photographe, vient d’être accréditée par la Région Occitanie en qualité de reporter. Elle utilise la vidéo dans les projets, comme outils de création, de médiation, ou pour rendre compte des actions de la structure. Dernièrement, Amira a quitté la capitale pour s’installer à Nîmes. Titulaire d’un master en design social, tout comme Jeanne, elles ont adhéré pour la forme et les valeurs portées par l’équipe : « c’est une vision d’avenir, porteur espoir ».

Une journée aux côtés du GCRI 3.0 : Groupe Citoyen Ressource de l’Insertion. Crédit photo: la Grande bobine

C’est quoi le design social ?

« Le design est né avec la révolution industrielle, pour rendre les choses belles et désirables, donc au service de la société de consommation, explique Sophie. Aujourd’hui, on veut rendre les choses belles pour qu’elles soient fonctionnelles, pas pour faire plus de profit. » Entendez par là, s’éloigner du consumérisme vide de sens. Les jeunes designers l’ont compris, ils sont une centaine à postuler à ‘La Grande bobine’ dès lors qu’une offre est mise en ligne. Les dispositifs mis en place par les conceptrices permettent aux habitants de prendre part à la fabrication de la ville, de la société. « C’est un vrai pari, cela confirme que l’on avait raison de se lancer dans cette aventure », se réjouissent-elles.

Leader – Fonds européen

L’un des projets phares ? ‘La Grande bobine’ en qualité de maitre d’ouvrage a sollicité l’Union Européenne à travers le fonds Leader. Un projet expérimental financé de concert par l’Europe, Nîmes Métropole, le Conseil départemental du Gard et la DRAC. Pendant un an, Anicée en charge du projet a interrogé les acteurs publics et les habitants autour de la création d’un tiers-lieu. « Le modèle tiers-lieu peut-il contribuer à recréer l’équilibre territorial, pour lutter contre les effets néfastes de la métropolisation », questionne Loriane qui évoque les villes dortoirs et le clivage générationnel.

Première Assemblée Générale Ordinaire de la SCOP.  Crédit photo: la Grande bobine

Place ensuite au diagnostic de territoire dans les deux communes de Clarensac et Margueritte. Quels sont les métiers, la géographie, les lieux de rencontre… « La mairie de Clarensac a eu une posture extrêmement humble. Ils étaient très curieux et disponibles », rend hommage Loriane. Un collectif d’habitants s’est ainsi formé pour créer ce tiers-lieu, aidé par la municipalité qui a mis un local à disposition

« La mairie nous a attribués une subvention pour suivre la structuration de leur modèle et le lancement de leur activité. Ils nous soutiennent car ils y croient » se réjouit Loriane. C’est d’ailleurs l’un de ses engagements de départ, aider les petites communes. « Elles n’ont pas beaucoup de compétences, avec la métropolisation, la plupart des budgets sont transférés, c’est très compliqué » regrette la cheffe de projet.

Concertation avec deux grands ateliers à Bellegarde et à Saint-Geniès et une centaine de participants. Crédit photo: la Grande bobine

Le Conseil départemental du Gard, partenaire privilégié

Au chapitre innovation sociale, c’est avec le Conseil départemental du Gard que ‘la Grande bobine’ prépare le terrain. Pour une période de cinq ans, les deux équipes en collaboration avec tous les acteurs du territoire vont s’atteler au Schéma de l’Economie sociale et solidaire (ESS). « Il s’agit non seulement de déployer la politique du Département sur le territoire mais aussi de transformer ses pratiques en interne pour être acteur de l’innovation social lui-même », souligne Loriane. Elle évoque alors le cloisonnement propre aux grandes administrations en général.

Les entrepreneuses réfléchissent déjà : comment dresser une liste exhaustive des bâtis vacants pour créer des tiers-lieux. « L’enjeu de l’ESS est de mobiliser toutes tes ressources au service d’actions solidaires, que tout le monde travaille ensemble, flouter les clivages public/privé », liste Loriane. Objectif :  concilier solidarité, performances économiques et utilité sociale.

Une chose est sûre, ‘la Grande bobine’ a encore du pain sur la planche, notamment pour accompagner les services de l’Etat en matière de communication et coordination. En guise de première mission, Loriane se souvient avoir été contactée pour trouver des solutions lors de la suppression des contrats aidés. « Une catastrophe pour les asso’ », nous souffle-t-elle.

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