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Chris Nuez : l’art se mue en thérapie face au handicap lourd

Article et photo : Linda Mansouri

Christelle Nuez, ou Chris Nuez de son nom d’artiste, brandit ses couleurs pour pallier les maux de la vie.

« Je crois que j’ai fait peindre des personnes avec tous les handicaps qui puissent exister, même les non voyants », nous confie l’artiste le sourire aux lèvres. Pouvoir s’exprimer autrement qu’avec la parole. Donner à ces êtres torturés un moyen de libérer leurs traumatismes et d’alléger leur fardeau. Dans les ateliers de Chris Nuez, aucune règle à respecter. Toutes les œuvres sont belles, les enfants dépassent allègrement du cadre, forcent sur les couleurs de manière cathartique. Quelques instants durant, certains oublient leur trouble du syndrome autistique et s’évadent via la matière.

« L’art est un espace de liberté », entame l’artiste qui joue sur l’émotion. Ces enfants en souffrance créent sans être jugés. « Personne ne pourra dire que c’est réussi ou raté », explique Chris Nuez qui met de côté tout concept d’évaluation. Elle sollicite la parole en leur proposant un cadre, du matériel et surtout du partage.

Le sujet est trop peu abordé, souffre d’une méconnaissance en France la où au Canada, l’art thérapie est remboursé par la sécurité sociale. Les toiles produites avec ses élèves se retrouvent quelques fois sur le bureau des psychologues et psychiatres pour être analysées. L’art peut jouer une carte fondamentale dans le processus de guérison. « Certains enfants ont un profil dépressif, ils arrivent très triste, je leur propose de créer à partir de mangas, Naruto, Minecraft », explique Chris Nuez. Pour travailler, il faut établir le lien. La voilà donc à écouter Jul et à faire des graff.

Chris Nuez devant son œuvre. Crédit : Chris Nuez

Climat de confiance

La parole viendra après. Chris Nuez travaille avec des enfants non verbaux, en grande difficulté. Certains ont un niveau très élevé du syndrome d’Asperger. D’autres ne peuvent pas aller en sport adapté, sont imprévisibles au niveau du comportement, avec des problèmes d’incontinence. Le bruit peut également les perturber. « Il fallait qu’ils aient un espace à eux », l’artiste se lance un défi, accueillir dans ses ateliers tous ceux qui souhaitent venir.

Certaines toiles sont exposées au restaurant le W à Nîmes, un moyen de valoriser leur création et gagner en confiance en soi. L’artiste a notamment soutenu l’association Aspi family sur l’autisme. France 3 y a d’ailleurs consacré un reportage pour une séance d’art thérapie. Parmi ses collaborations : la Croix rouge, l’établissement pour enfants et adolescents polyhandicapes Montaury, l’Armée du salut ou APF France handicap.

La symbolique de la couleur

Il faut dire que Chris Nuez est poétique : « se mouvoir le cœur, s’émouvoir le corps ».  Ici, on casse les codes, les enfants ont droit au noir à leur guise. « Je travaille la symbolique des couleurs avec ces clichés qui enferment, le noir associé au deuil alors qu’il évoque le luxe. En Orient le deuil correspond au blanc par exemple. Le rouge est associé à l’agressivité, mais c’est le sang, donc la vie », explique-t-elle.

Les ustensiles se limitent aux doigts, à la règle, à la fourchette… « Le pinceau est très contraignant », pointe l’artiste. Les enfants touchent, palpent la matière, les reliefs.  Le tableau est vivant. Une jeune fille polyhandicapée avec la main qui tremble doit porter un poids stabilisateur en permanence. En art thérapie, elle n’en a pas besoin. Avec une éducatrice spécialisée, Chris Nuez les fait peindre autour des jeux paralympiques. Un projet est en cours pour monter à Paris et créer une exposition en 2024.

Si elle nous parle de l’art empreinte d’émotion, c’est que ce dernier était salvateur. A 26 ans, Chris Nuez apprend qu’elle est atteinte d’un cancer de la peau. Elle se réfugie dans l’art et se découvre une passion, un exutoire. Il faut dire que l’Alésienne de naissance y était déjà sensibilisée. La maman est issue des Beaux-arts. Le papa, lui, dirigeait un établissement pour adultes handicapés mentaux. « J’habitais à 50m de cet établissement. J’ai grandi sensibilisée au handicap, à l’art et la création », formule-t-elle.

La dernière œuvre de Chris Nuez. Crédit : Chris Nuez

Institut Emmanuel D’Alzon

Bac Eco, puis diplôme d’éducatrice spécialisée en poche. Elle décide de se former à l’art thérapie en 2009 avec un diplôme universitaire. Elle ne s’en tient pas à l’ITEP Saint-Pierre Le Genévrier à Nîmes. Elle élargit sa proposition d’art thérapie à divers publics, apparait dans des émissions télévisées. Elle propose son accompagnement à domicile en libéral, en plus de son poste d’éducatrice à l’ITEP.

Depuis 3 ans, l’institut Emmanuel D’Alzon propose l’art thérapie en primaire, collège et lycée au sein d’un dispositif Ulis. Cette ‘Unité localisé d’insertion scolaire’ regroupe notamment des jeunes atteints de Trisomie 21. « Je sors des établissements spéciaux, ça me fait plaisir, je suis convaincue que l’art thérapie serait bénéfique à tous », se confie-t-elle.

Pour les seniors en Ehpad victimes d’Alzheimer, Chris Nuez leur propose un catalogue de tapisseries. « Ils choisissent une tapisserie qui leur plait, leur rappelle quelque chose. Puis on crée dessus, on pose des couleurs », comme on pose des mots sur les maux.

Découvrez la dernière actualité de Chris Nuez en cliquant ici. Plus d’informations sur le travail de l’artiste également ici.

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