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Musée 1900 : pourquoi les Américains en raffolent

Article et photos : Linda Mansouri

Un temple aux trésors se niche à cinq minutes d’Uzès. Une véritable plongée dans l’histoire dont les étrangers se délectent chaque année.

 « Jamais je ne vendrai quoi que ce soit », rétorque notre hôte avec fermeté. Et pourtant, Régis Baron pourrait tout céder en un rien de temps à des collectionneurs et couler des jours paisibles aux Caraïbes. Que nenni ! A 60 ans, l’homme aux yeux bleu azur est à la tête d’une véritable institution touristique gardoise. Régis fait perdurer ici un patrimoine familial hérité de son père, qui 50 ans plus tôt, s’est mis à dénicher des pépites de l’histoire.

« Si je vendais, tout notre patrimoine français irait à l’étranger. C’est quand même dommage, pointe le propriétaire du Musée 1900 à Arpaillargues. Voilà 41 ans qu’on est ouvert. Je ne recherche pas la notoriété, ni l’argent, ce que je veux c’est transmettre des émotions », poursuit celui qui se retrouve enveloppé de « bonnes ondes » une fois au musée dans la nuit pour travailler.

Passionné, le voilà qu’il nous décrit comment la ménagère lavait son linge, la petite pièce à insérer pour regarder la télévision, ou comment les paysans battaient le blé. « C’était harassant mais après le labeur, tout le monde se retrouvait pour savourer ensemble. Aujourd’hui, le téléphone nous plonge dans l’ère de l’individualité », regrette-il. Plus de 3700 curiosités s’étalent sur 1500m2. Des pièces iconiques qui interrogent notre place dans le livre historique et laisse présager le futur civilisationnel.

Une rage de dent ? Crédit photo : Linda Mansouri

De New York à la Chine

« Pour une fois qu’on peut toucher et grimper dans un musée ! », se réjouit un couple de visiteurs. Voilà toute la force du Musée 1900, permettre aux visiteurs de s’approprier l’histoire. On grimpe sur le scooter ou la calèche pour des photos mémorables qui deviendront virales sur la toile. Les visiteurs d’aujourd’hui, de plus en plus de jeunes de 25 à 30 ans, sont les ambassadeurs de demain.

Parmi les immanquables, le camion de guerre de 1914, le camion de pompier, la batteuse pour le blé ou la mythique bicyclette Grand bi. La variété des pièces et l’expérience sensorielle laissent une empreinte indélébile. La musique nostalgique qui émane du gramophone suit nos pas, les odeurs de cuir embaument la pièce. On vient de New York, d’Australie, de Chine pour admirer ces pièces. « Je pensais que nous avions un bug sur la provenance des visiteurs sur notre site, mais non, les étrangers préparaient bien leur séjour ! », se réjouit-t-il. Les Canadiens ? Les voilà « comme des fous » face à la diversité des univers.

Plongez dans la guerre de 1914 grâce à ce camion unique rénové avec soin. Crédit photo : Linda Mansouri

Voiture, vélo, photo, cinéma, radio, musique, matériel agricole, articles ménagers, tous les environnements sont exposés dans une mise en scène digne du 7e art. Un conseil, levez les yeux, les murs ont leurs secrets. « C’est un musée universel, on retrouve tout à l’intérieur alors que les musées en général ont uniquement un ou deux thèmes », remarque-t-il. Et comme cela ne suffisait pas, Régis Baron entamera des travaux d’agrandissement cet hiver pour entreposer ses 1001 bébés qui dorment en réserve.

Gaston et Régis Baron, de père en fils

 « C’est un tracé de notre histoire, pour que les nouvelles générations puissent voir l’évolution », témoigne Régis. Cette caverne d’Ali Baba, le patriarche Gaston Baron l’a débutée il y a cinquante ans. Plombier de profession, il s’adonne au commerce et gagne un peu d’argent. Une bourse qu’il investira dans sa passion : la mécanisation et ses évolutions. « Ça a commencé par la machine à vapeur, le matériel agricole, puis après ça a débordé », ironise Régis.

Une salle fascinante : l’univers des pompiers avec notamment un camion et une pompe à vapeur datant de 1917. Crédit photo : Linda Mansouri

Gaston fait alors le tour de l’hexagone à la recherche de trésors. Collectionneurs, brocanteurs, ventes aux enchères, successions, ferrailleurs, particuliers, tout y passe. Il ira même jusqu’à dormir dans sa voiture pour poursuivre les négociations et repartir avec le butin à l’aube. « C’est cinquante ans de sa vie », précise le fils qui compte sur la famille pour perdurer l’âme de ce musée à l’aura si particulière. A 85 bougies, Gaston veille encore au grain, il passe régulièrement au musée, gratifie de quelques idées.

Acteurs publics ou privés, aucune aide financière n’est injectée dans l’affaire familiale. Régis ne refuserait toutefois pas une subvention, « cela nous permettrait d’aller plus vite dans nos travaux d’agrandissement et d’aménagement, pour l’isolation, le carrelage, l’électricité, etc. ». Sans parler de la restauration qui occasionne un coût. « Une calèche va prendre un certain temps, selon l’état du bois et de la sellerie. On fait aussi la mécanique, il y a tout un cérémonial là-dessus », explique-t-il. Le succès du musée est à la hauteur de sa réputation sur la toile. Les avis sur Google sont dithyrambiques. Chacun y va de son cliché, les albums photos sont légion. Les convaincus se refilent l’adresse, les offices de tourisme et chambres d’hôte redirigent volontiers vers le musée.

Un petit tour en scooter ? Crédit photo : Linda Mansouri

Une totale immersion

« On se donne les moyens d’avoir quelque chose d’éducatif et de ludique dans plein de domaines différents, on intéresse toute la famille », ajoute Régis. Des vignettes d’explications sont adossées aux articles et quelques écrans projettent des films de démonstration. L’immersion est totale, jusqu’au réseau téléphonique qui, au grand dam des ‘digital addict’, est absent dans l’établissement. « C’est normal qu’on ne trouve pas de réseau, vous êtes en 1900 ! », rétorque Régis avec ironie aux angoissés. Le propriétaire s’offre même le luxe de présenter un ancien moulin à huile du 18e siècle, qu’il fait tourner lorsque la pluie est suffisamment abondante.

La calèche est la star des photos de famille. Crédit photo : Linda Mansouri

Dans quelques jours, Régis prendra peut-être la route avec son camion pour un nouveau joujou si l’offre d’achat aboutit. Il pourra sortir sa carte de la mémoire, atout indéniable dans la négociation puisque la pièce ne tombera pas dans l’oubli et ne sera pas l’objet d’âpres spéculations. Elle sera exposée au vu et au su de tous. « Une deuxième vie » noble pour un morceau de témoignage de la société humaine.

Le fameux Grand bi était l’objet de compétitions nationales à l’époque. Agilité requise ! Crédit photo : Linda Mansouri

Environ vingt-mille visiteurs se ruent au musée à l’année, avec un pic lors de la période estivale. Chaque année, le nombre grimpe, « grâce à internet, c’est magique de se faire connaitre à moindre coût. » Ajoutez à cela, les panneaux immanquables positionnés stratégiquement aux abords du musée. A la manette, Régis et son épouse, aucun salarié. « Je ne compte pas mes heures, c’est sûr », abonde Régis. Le Musée 1900 ferme ses portes à compter du 14 novembre pour rouvrir une semaine à Noël puis à partir du mois de février.

Pour suivre l’évolution de l’âge de ses visiteurs, une borne d’arcane sera prochainement installée pour exposer les premiers jeux électroniques des années 70 aux années 80. « On va tester. Je vais développer aussi le monde de l’enfant et des jouets. Et encore, je suis loin d’avoir fini ce que je veux faire ! », conclue le passionné qui fourmille de nouveaux projets.

Préparez l’huile de coude pour la ‘machine’ à laver. Crédit photo : Linda Mansouri

Tout savoir sur le Musée 1900, cliquez ici.

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