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Jean-Claude Bouchet : « Le Vaucluse doit chasser en meute »

Article écrit par Linda Mansouri, initialement publié sur le média L’Echo du mardi, en janvier 2022.

Jean-Claude Bouchet ou ténor de la vie politique locale. Deux fois maire de Cavaillon, trois fois député de la 2e circonscription de Vaucluse, vice-président de la CCI de Vaucluse par le passé. Entretien à quelques mois des législatives.

L’Echo du mardi : Votre engagement ne souffre-t-il pas d’une lassitude naturelle à l’égard de la vie politique ?

Jean-Claude Bouchet : Il n’y a pas de lassitude à partir du moment où vous arrivez à faire avancer les choses. J’ai passé vingt ans dans la vie économique avec la Flèche cavaillonnaise (première coopérative d’entreprises de transport, ndlr), mais également en tant que président du syndicat de transporteur routier. J’ai plusieurs fois été au contact de ministres des Transports, de droite et de gauche. Je me suis plu, j’étais utile à la création de richesses sur le territoire. J’ai ensuite voulu passer de l’autre côté de la frontière pour me lancer en politique, toujours dans le but d’être utile. Le mandat de député/maire était très intéressant en ce sens. En tant que maire, vous êtes dans le concret, vous bâtissez pour l’avenir de votre territoire. En tant que député, vous vous servez de l’expérience de terrain pour apporter un regard pratique à une loi. Quelle erreur d’avoir céder au populisme en supprimant le cumul des mandats. Quand on regarde les députes LREM arrivés sans mandat local, on s’aperçoit qu’ils sont déconnectés de la réalité. Même si l’on se trouve dans l’opposition comme moi, faire des propositions est utile. Ce sont pour moi des semences que je laisse là-haut et qui pourront être reprises par un confrère ou une majorité.

Êtes-vous candidat pour un 4e mandat de député ?

J’ai obtenu l’investiture LR. Mais pour le moment, je n’ai pas pris de décision. J’ai à mon actif trois mandats de député, un dans la majorité et deux dans des oppositions complètement différentes. J’ai 64 ans. Comme à chaque fin de mandat, je me pose, je prends du recul et je réfléchis.

Le Vaucluse : 5e département le plus pauvre de France. Comment l’expliquez-vous ?

L’ouverture au marché commun, des produits avec une saisonnalité différente, la chute des prix, l’ouverture des magasins à succursales, autant de facteurs ayant appauvri le département. Cavaillon était autrefois une ville riche avec une quarantaine d’expéditeurs. Certains étaient des ‘seigneurs’, ils travaillaient durement et faisaient vivre toute la ville. Les producteurs gagnaient bien leur vie, il y avait beaucoup de flux. Tout s’est effondré dans les années 75, Cavaillon s’est retrouvée sans aucune diversification. C’est l’une des raisons qui m’a poussé à devenir maire, pour participer au redressement et donner des perspectives d’avenir. Parallèlement, il y a un manque de dynamisme de la ville d’Avignon qui est la capitale. Le Vaucluse est engoncé dans le Gard et les Bouches-du-Rhône. Il a manqué également de grands leaders politiques tel que des Gaudin par exemple. Il manquait ce charisme qui aurait pu entraîner le Vaucluse vers le haut. Une autre cause inéluctable : le dysfonctionnement pendant vingt ans du port autonome de Marseille, outil logistique numéro un dans notre région. Nous avons perdu des parts de marché au profit du port du Havre, et cela nous a détruit.

Un secteur d’activité porteur pour le département ?

Je sais une chose de par mon ancien métier : le Vaucluse est un carrefour logistique énorme. Quand vous sortez des produits, il faut que le coût logistique soit le plus minime possible. Nous sommes sur le chemin entre l’Europe du nord, et l’Italie, l’Espagne, le Maghreb. Tout transite par chez nous. Nous avons les infrastructures, l’aéroport, les gares, les TGV. Nous devons essayer d’attirer des entreprises de renommée internationale qui sont à 500, 1000 km en France et à l’étranger. En plus de l’emplacement, nous sommes une belle carte postale, entre le Luberon et le Ventoux. A 80 km nous avons Airbus, il ne s’agit pas de recréer la même société, mais nous pouvons attirer des entreprises connexes en matière de technologies et de composants. Il faut chasser en meute, cela fait vingt ans qu’on le dit. Il faut agir au côté des collectivités, de la préfecture, du Département, de la CCI, la Chambre des métiers et tous les acteurs économiques. Vous êtes plus puissant et vous ne vous tirez pas sur les pattes. Quel est l’intérêt de diviser les ressources et chasser individuellement ? Il manque un projet fédérateur pour gagner en efficacité et être plus percutant pour attirer les entreprises.

Une Bac de nuit effective début 2022 à Cavaillon et 40 CRS supplémentaires en attendant. La réponse de Gérald Darmanin suite aux fusillades à Dr Ayme est-elle suffisante ?

Je dirais oui, mais quel regret d’en être arrivé là. Quand j’ai été élu maire la première fois, Cavaillon pleurait sur son passé avec un taux de chômage de 14%. Il fallait lui redonner un avenir, redonner confiance aux gens, sortir de cette sinistrose. L’immense sentiment d’insécurité nous a conduit à doubler le nombre de policiers municipaux, dont ¾ étaient des anciens légionnaires. J’ai créé une brigade canine cynophile, multiplié par sept le nombre de caméras vidéo surveillance. En quatre ans, nous avons diminué la délinquance de 50%, chiffre officiel de l’Etat. Ceci grâce à un excellent partenariat avec les polices municipale et nationale. Le problème, c’est qu’en ayant de très bons résultats, l’Etat dans sa pénurie de moyens, envoyait ses renforts à Avignon plutôt qu’à Cavaillon. Sauf qu’en matière de drogue, la nature a horreur du vide et les trafics ont repris. L’Etat a pris conscience du désengagement des moyens et remet aujourd’hui des effectifs. Je dirais que c’est un bon moyen de temporiser cette lutte mais il a fallu insister. Au départ, les CRS étaient censés venir huit jours en cas de problème. Enfin, il faudra surveiller. La brigade ne sera pas opérationnelle en un claquement de doigts, il faudra du temps pour connaître le territoire.

Que vous inspire la CCI de Vaucluse, qui a réussi l’exploit d’être la seule Chambre consulaire de France à être suspendue pour des motifs de gouvernance et non pour des raisons budgétaires ?

L’intérêt particulier l’a emporté sur l’intérêt général. C’est une situation déplorable, irréversible en raison de la querelle de personnes. Personne n’a su élever le débat pour que la CCI conserve son rôle d’accompagnement des entreprises du territoire. Tout ça s’est déroulé dans un contexte déjà difficile, avec notamment l’Etat qui a enlevé toutes les dotations pour les verser aux CCI régionales. Une perte de pouvoir ajoutée au problème de gouvernance, la situation était compliquée. Aujourd’hui, je souhaite simplement que les personnes qui composent la nouvelle présidence aient un sens important de l’intérêt général et de l’entreprise.

Si vous deviez retenir deux projets au service de vos administrés ?

Tout d’abord, la mise en place du deuxième pont sur la Durance, qui relie Cavaillon aux Bouches-du-Rhône. Ce qui peut pénaliser une ville, c’est son manque de fluidité en raison des embouteillages. Nous avons tendance à l’oublier, si vous regardez aujourd’hui par rapport à dix ans en arrière, il n’y a plus de ralentissement important à l’entrée de Cavaillon. Deuxième point, les travaux que nous avons engagés à partir de 2009 autour de la rivière du Coulon – Calavon, pour faire face aux inondations. J’ai été élu en mars 2008, en décembre 2008, une inondation a eu lieu avec un débordement d’un mètre. J’étais tout le temps sur le terrain. Certains refusaient même de me serrer la main alors que j’étais élu depuis huit mois seulement. Il y avait tellement de procédures administratives que les choses n’avaient pas réellement avancé. J’ai donc pris le dossier à bras-le-corps. Nous sommes partis au combat avec l’administration, avec l’Etat et la préfecture. Nous sommes arrivés à remettre en route un processus pour faire des travaux et sécuriser les villes. En 2012, de nouvelles intempéries identiques à celles de 2008. Pas une goutte d’eau n’a été déversée à ce moment-là. Pari gagné.

Éric Ciotti qui soutient Eric Zemmour en cas de face-à-face avec Emmanuel Macron. La droite républicaine n’est-elle pas sujette à malaise ?

Je ne suis pas dans le commentaire des propos à résonnance médiatique. Attachons-nous au fond, non au débat de personne. Le parti LR a des positions très claires sur le régalien. Je vais prendre deux chiffres. Sous de Gaulle, les dépenses régaliennes, police, justice, représentaient 6% du PIB, aujourd’hui c’est 3%. Nous sommes passés d’une unité à la moitié, parce que les budgets ont été affectés ailleurs. Les institutions de la République doivent garantir la sécurité de chacun. Aujourd’hui, il faudrait même élever le chiffre à 7 ou 8%, car vous n’avez plus ce pilier fort de la famille, de l’éducation, du respect. L’Etat par son rôle doit subvenir aux insuffisances de chacun. Si revenir au régalien fait dire à certains que c’est de l’extrême droite, c’est à n’y rien comprendre. Notre parti n’a pas dérivé sur l’extrême droite. C’est un parti attaché au triptyque : liberté, égalité, fraternité. Dans la pratique en France, nous en sommes encore loin.

Quelle est la force de la famille LR par rapport à d’autres partis tel que LREM ?

La différence, c’est que l’engagement des Républicains repose sur un parti politique. LREM n’est pas un parti politique. Pour moi, aucune comparaison n’est possible. Le parti LR, auparavant UMP, a cette histoire ancienne, ces valeurs fondamentales, cette ligne idéologique. Emmanuel Macron a gagné l’élection, les Français ont élu un homme. Le jour où il n’y aura plus Emmanuel Macron, je ne suis pas sûr qu’un Edouard Philippe s’entende avec un François Bayrou.

Crédit photo: Linda Mansouri

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